Le plateau des Championnats du Monde Cyclo-cross UCI 2018 présente plusieurs athlètes qui ont déjà brillé dans d’autres disciplines cyclistes. Nous nous sommes entretenus avec deux d’entre eux : Jolanda Neff et Toon Aerts.
Jolanda Neff et Toon Aerts sont deux jeunes professionnels qui se distinguent dans le cyclisme hors route. Neff (25 ans) est Championne du Monde UCI en titre de mountain bike dans la catégorie cross-country olympique (XCO). Quant à l’excellent cyclo-crossman Aerts (24 ans), il fait partie des dix meilleurs coureurs de sa discipline. Ces deux athlètes ont intégré une deuxième spécialité à leur préparation afin d’atteindre le sommet dans leur discipline de prédilection. Neff allie ainsi le cyclo-cross au mountain bike tandis qu’Aerts s’entraîne et court sur route en complément du cyclo-cross.

Jolanda Neff : du mountain bike au cyclo-cross

Malgré son jeune âge, la Suissesse Jolanda Neff est déjà à la tête d’un impressionnant palmarès. Outre son titre mondial en XCO, elle a également remporté le Championnat du Monde Mountain Bike Marathon UCI 2016 et s’est adjugé la Coupe du Monde Mountain Bike UCI à deux reprises (2014 et 2015). Huitième de la course sur route des Jeux Olympiques de Rio 2016, elle avait pris la neuvième place de l’épreuve en ligne des Championnats du Monde Route UCI 2015 à Richmond.

Jolanda Neff (SUI) - Championnats du Monde Mountain Bike UCI 2017 - Cairns (AUS)          © Michal Červený

Personne ne s’étonnera donc qu’elle ait été élue cycliste suissesse de l’année en 2014, 2015, 2016 et 2017. « Ma meilleure performance en mountain bike, je l’ai bien entendu réalisée aux Championnats du Monde à Cairns, où j’ai remporté le titre Elite avec plus de deux minutes d’avance. Je garde aussi un souvenir particulier de ma première victoire en Coupe du Monde, en Afrique du Sud : j’avais 21 ans, j’ai pris le maillot de leader dès la première manche et je l’ai gardé toute la saison », raconte la Suissesse. « En cyclo-cross, je n’ai pas encore réalisé de grosses performances, mais la saison n’est pas finie », glisse-t-elle dans un clin d’œil. Jolanda s’est prise de passion pour le vélo dès son plus jeune âge. « J’ai disputé ma première course à six ans. Je suis tout de suite tombée amoureuse de mon vélo. Le fait que j’ai gagné cette course a sûrement aidé », sourit-elle.
Grande passionnée de cyclisme, Neff a voulu s’essayer à d’autres disciplines en marge de la saison de mountain bike. Troquant les pneus larges contre les pneus fins, elle tente sa chance en cyclo-cross cette saison.

Jolanda Neff (SUI) - Coupe du Monde Cyclo-cross UCI Telenet UCI 2017-2018 - Heusden-Zolder (BEL)      © Balint Hamvas

« Cela faisait longtemps que je voulais pimenter ma préparation hivernale. La piste aurait été une bonne option, mais comme j’adore rouler dans la boue, le cyclo-cross s’est imposé comme une évidence. C’est ma toute première saison de cyclo-cross, je n’ai fait que trois manches de Coupe du Monde jusqu’ici, mais pour l’instant, je prends plaisir », se réjouit-elle.
Les performances de la néophyte ne sont pas passées inaperçues. Elle a lancé sa campagne dans la Coupe du Monde Cyclo-cross UCI Telenet en octobre, dans le sable de Koksijde. Malgré une préparation incomplète, une place au fond de la grille de départ et un circuit atypique, elle a terminé tout près du top 10, à la 14e place. En décembre, elle s’est montrée plus à l’aise encore sur le circuit extrêmement exigeant de Namur, notamment dans les rampes à fort pourcentage de la citadelle. Là encore, elle a réussi une remontée fantastique pour se glisser dans le top 10 à la huitième place, bien devant la Championne du Monde Cyclo-cross UCI, Sanne Cant. À Heusden-Zolder, fin décembre, elle a confirmé avec une belle 10e place. Le parcours empruntant le célèbre circuit automobile était pourtant bien loin des tracés qu’elle a l’habitude d’emprunter en mountain bike... Arrivée 36 secondes après la première, Cant, Neff a signé l’un des tours les plus rapides du peloton en milieu de course.

Toon Aerts : du cyclo-cross à la route

Le cyclo-cross, Toon Aerts est tombé dedans quand il était petit. Il s’agit en effet de la discipline reine dans sa région natale.

Toon Aerts (BEL) - Coupe du Monde Cyclo-cross UCI Telenet 2917-2018 - Namur (BEL)         © Balint Hamvas

« Quand j’étais plus jeune, je n’étais pas trop attiré par la route et il n’y avait pas beaucoup de sentiers de mountain bike. Du coup, toutes les semaines, on avait la possibilité de faire le même parcours que les coureurs élite en lever de rideau. Pour un gamin, c’est assez magique de voir les meilleurs courir juste après sa propre course », se remémore Aerts.
Chez les pros, Aerts a été l’un des rares coureurs à battre les deux stars de la discipline, Wout Van Aert et Mathieu van der Poel. Il est même devenu champion d’Europe 2016-2017, un titre qui s’inscrit parmi les nombreux temps forts de sa jeune carrière :
« Ma victoire au Grand Prix Sven Nys le Jour de l’An 2017 a été une expérience inoubliable, encore plus que mon titre européen. Ce dont je suis le plus fier, c’est que j’ai réussi à décrocher quelques victoires en tant que jeune professionnel et à faire ma place juste en-dessous des meilleurs, même si je ne m’étais jamais imposé en U-23. Cela montre que le travail finit toujours par payer », confie Aerts.

Championnats du Monde Cyclo-cross UCI 2018 : impatience et curiosité

Neff et Aerts sont tous deux en lice lors des Championnats du Monde Cyclo-cross UCI 2018 à Valkenburg, aux Pays-Bas. Tracé sur les pentes du célèbre Cauberg, le parcours promet de mettre le feu aux cuisses et aux mollets. Ce profil devrait parfaitement convenir à Jolanda Neff : « J’ai hâte de voir ce que je peux donner là-bas », déclare-t-elle.
Absent des deux derniers Championnats du Monde Cyclo-cross UCI, Aerts est tout aussi impatient. « J’espère ne connaître aucun pépin sur la course. Ce sont mes premiers championnats du monde, je ne sais pas trop à quoi m’attendre. J’essaie de les aborder comme un apprentissage pour les années qui viennent. Mais il va de soi que j’essaierai de faire un bon résultat si j’en ai l’occasion. »
En été, Aerts intègre de nombreuses courses sur route à sa préparation estivale, estimant qu’elles l’aident à améliorer son rendement en cyclo-cross. « La saison est courte et concentre un très grand nombre de courses. Pour être performant sur l’ensemble de la saison, il faut se faire la caisse et c’est en été que l’on effectue ce travail. Les longues sorties d’entraînement sur route font perdre les qualités de vitesse. Il faut ajouter du piment. C’est là que les courses sur route sont précieuses », détaille Aerts.
Le Flamand se montre d’ailleurs très performant sur route. Interrogé sur le résultat qui lui tient le plus à cœur, il cite le ZLM Tour : « Ma sixième place au général, je la dois à mon contre-la-montre et à ma belle étape dans les Ardennes. C’est un cran au-dessus du niveau moyen des cyclo-crossmen, mais j’ai quand même réussi à bien figurer », se félicite le Belge. Son résultat dans l’effort solitaire ne l’a pas surpris outre mesure, le cyclo-cross exigeant de se mettre à fond pendant une heure. « Le cyclo-cross fait travailler l’explosivité. C’est très précieux sur route dans les petites côtes et sur les relances en sortie de virages. Et puis il permet aussi de développer des qualités techniques qui aident à bien tenir sa place dans un peloton », explique-t-il.
L’équipe de Toon Aerts, Telenet Fidea Lions, ne figurant pas dans l’UCI WorldTour, il est difficile d’évaluer ce qu’il vaudrait sur les grandes courses. « Dans quelques années, je déciderai peut-être de me consacrer exclusivement à la route, avec le risque de perdre tout ce que j’ai acquis en tant que cyclo-crossman. Je le ferai si je le sens vraiment, pas simplement pour tenter une expérience. Je dis cela car les défis de la route me manquent. À l’avenir, je vais plus probablement faire moins de courses sur route et les remplacer par des courses de mountain bike. Ce serait juste pour prendre du plaisir. Pour l’instant, en tant que jeune professionnel, je vais me concentrer sur la préparation cyclo-cross traditionnelle : des sorties d’entraînement sur route et des courses sur route », annonce Aerts.
Contrairement à Aerts, Neff a du mal à évaluer l’impact de son crochet par le cyclo-cross sur ses performances en moutain bike, dont la saison débute en mars. « Franchement, je n’en sais rien pour l’instant ! Je vais le découvrir bientôt, au cours de ma prochaine saison de mountain bike. C’est clair que ça va me permettre d’arriver en forme sur la première manche de Coupe du Monde Mountain Bike UCI, qui est programmée beaucoup plus tôt que d’habitude, le 10 mars au lieu de fin mai. Je vais faire une coupure plus longue fin mars afin d’arriver bien fraîche pour toutes les manches de Coupe du Monde et le point d’orgue de la saison de mountain bike : les Championnats du Monde Mountain Bike UCI en Suisse en septembre. »
Neff pourrait renouveler l’association cyclo-cross-mountain bike au cours des prochaines saisons… jusqu’aux prochains Jeux Olympiques.
« Oui, en fait, cela dépendra de l’année. Chaque année contenant un ‘1’, je ferai du cyclo-cross. Comme je l’ai dit, je n’avais jamais fait un hiver de cyclo-cross ou de Coupes du Monde de cyclo-cross donc ce n’est qu’après la prochaine saison estivale de mountain bike que je pourrai vraiment évaluer l’effet sur mes performances. Si tout se passe bien, je serais ravie de refaire du cyclo-cross en compétition au cours de l’hiver 2018-2019, mais il n’y a pas de ‘1’ dans l’année suivante, 2020… Et puis c’est une année olympique, donc je vais étudier mon programme de très près. »